II - Les répercussions de cette "île de déchets"

Les déchets marins sont présents dans tous les océans du monde, et pas seulement dans les régions où se trouve la grande plaque de déchets. Ces déchets représentent un problème complexe qui a de fortes implications sur l’environnement marin et sur l’Homme. Dans le cadre de la grande plaque de déchets du Pacifique Nord, nous nous intéresserons plus particulièrement aux impacts sur l’écosystème. 

A) Les impacts de cette plaque sur l’écosystème

D’après ce qui a été dit précédemment, la grande plaque de déchets du pacifique Nord se situerait essentiellement en surface de l’océan Pacifique. En effet, cette ile de déchets présente une superficie d’environ 3,5 millions de km², pour seulement environ 30 mètres de profondeur.
Nous pouvons donc dire que la flore n’est pas directement atteinte par la grande plaque de déchets, car elle se situerait à 4 000 mètres de profondeur (Plaines abyssales).

Le plancton est la base de la chaîne alimentaire en milieu marin. Seulement, au niveau de la plaque de déchets du Pacifique, on retrouve jusqu'à 6 fois plus de plastique que de plancton.

Tout objet en plastique, peu importe sa taille, se fragmente en million de petites particules microscopiques sous l’effet du sel de mer, des rayonnements ultraviolets et des mouvements de l’eau permettant aux différents objets de s’entrechoquer.
C’est ainsi que le plancton est confondu avec le plastique par ses prédateurs. Ce plastique réduit en petits morceaux est aussi directement ingéré par les oiseaux et les poissons, qui les confondent avec de la nourriture viable. C’est ainsi que l’homme se retrouve involontairement contaminé par ses propres déchets.

Une étude menée dans ces eaux a montrée que 35% des poissons environnant la plaque avait ingéré ce type de microparticules de plastique. Un exemple d’espèce ayant ingéré du plastique est l’albatros Midway ; les parents albatros partent pêcher pour nourrir leurs petits et prennent les bouts de plastique microscopiques pour de la nourriture potentielle. Voilà comment meurent des dizaines de milliers d’albatros chaque année, l’estomac rempli de morceaux de plastique plus ou moins gros.

Voici des photos illustrant l’exemple :




C'est aussi le cas pour les tortues de mer qui confondent les sacs plastiques avec les méduses et qui s'emmêlent dans les filets de pêche abandonnés.



L’impact de ces déchets sur la faune marine est dramatique, car ces débris de plastiques retrouvés dans les estomacs des animaux donnent l’impression à ces derniers d’être rassasiés, ils arrêtent donc de chercher de la nourriture. Ces déchets sont l’origine d’intoxications, d’empoisonnement ou encore d’occlusions intestinales. Les particules microscopiques de plastiques sont des « éponges à polluant persistant ».

Les Polluants Organiques Persistants, dits P.O.P., s’accumulent dans les organismes vivants et sont capables de résister dans ces environnements. A long terme, ces polluants produisent des effets toxiques comme la dégradation du système immunitaire de l’être vivant contaminé et des effets sur la reproduction et sont responsables du développement de propriétés cancérigènes.

Mais les microparticules de plastiques ne sont pas les seules sources de dégâts importants sur les animaux marins, les macro-déchets ne sont pas pour autant innocents. Ils sont également cause d’effets « d’emmêlement » pouvant causer des blessures graves, des étouffements, des infections ou encore des mutilations. Ces macro-déchets touchent tous les animaux marins, sans exception.

Cela va du petit animal, la tortue : 



Jusqu’à la grande baleine :



A ce stade de la réflexion, on pourrait estimer que le nombre d’oiseaux mourant chaque année à cause de ces déchets s’élèverait à plus d’un million et pour les cétacés, ce chiffre atteindrait environ cent mille chaque année.

D’après l’ONU, au moins 267 espèces marines dans le monde sont concernées par l’ingestion de déchets marins. Dans les détails, l’ONU affirme que 86% des espèces de tortues de mer sont atteintes, 44% de toutes les espèces d’oiseaux le sont également, mais aussi que 43% des mammifères marins (tous confondus) sont touchés.

La plaque du Pacifique Nord est en majorité composée de plastiques. En effet, celui-ci a pris une place importante dans notre vie de tous les jours. Dans les emballages alimentaires, les nouvelles technologies, l’industrie automobile, etc., le plastique y trouve sa place.


B) Les impacts sur l’homme

Les plastiques ont une durée de vie moyenne, qui dépasse les cinq cents ans. Au fil du temps, ils se désagrègent, mais leur structure moléculaire ne change pas. C’est ainsi qu’apparaissent des quantités colossales d’une sorte de sable de plastique. En effet, deux types de phtalates sont très dangereux pour l’Homme : le bisphénol A et le polyéthylène téréphtalate. Les animaux marins tels que les poissons, coquillages etc. présents dans notre alimentation quotidienne ingurgitent ces matières non biodégradables. Notre chaîne alimentaire est polluée par ces dernières et c’est tout notre écosystème qui est mis en danger.

Ainsi, l’Homme, en fin de chaîne alimentaire, subirait les conséquences de l’ingestion de plastiques involontaire de la faune marine qui constituerait son alimentation.

Ø PHTALATES LES PLUS CONNUS DANS LES PLASTIQUES :



- La polémique du bisphénol A :

Des molécules dangereuses se retrouvent aussi bien dans les canettes de boissons gazeuses que sur les biberons et bouteilles plastique. Certaines entreprises ont déjà commencé à retirer ces produits de la vente ou ont remplacé le plastique qui les composait car ils contenaient du bisphénol A.

Ces quelques exemples de produits de la vie quotidienne contiennent des bisphénols A (BPA). Ces molécules sont utilisées pour faire du polycarbonate, un plastique dur et transparent. C’est l’influence hormonale des BPA qui soulève la controverse : les bisphénols A agissent comme des œstrogènes. Chez l’Homme, ils peuvent entraîner des dérèglements hormonaux. On les soupçonne aussi de causer certaines formes de cancers.

Chaque fois qu’on utilise une bouteille qui contient des bisphénols A, une certaine quantité se libère dans le produit contenu. La chaleur favorise ce transfert.

- PET : Polyéthylène téréphtalate :




Selon des toxicologues allemands, le polyéthylène téréphtalate serait dangereux pour la santé et porterait atteinte à la fertilité humaine. C’est un polymère de synthèse thermoplastique recyclable, principalement utilisé pour la fabrication de bouteilles, flacons, pots, films alimentaires, briques d'emballages de liquides alimentaires (lait ou jus de fruit)…
Début 2009, une étude allemande a démontré que le PET serait responsable de la libération dans l'eau de perturbateurs endocriniens.

Les particules qui sont retrouvées dans les océans suite à la dissociation de matière plastique (« soupe plastique ») ont certainement une ou plusieurs de ces molécules dans leur composition chimique. Nos plastiques, très difficilement biodégradables, font transiter ces molécules cancérigènes dans les océans. Les pesticides, phtalates, parabens sont aussi présents dans d’autres types de déchets : avec notamment ceux issus de l’agriculture intensive ou productiviste.

 La découverte de cette plaque, mais surtout des lourdes conséquences sanitaires qu’elle peut occasionner sur l’homme, a entraîné une médiatisation et une prise de conscience mondiale.





C) Médiatisation du phénomène

En 1997, le capitaine Charles MOORE participe à une régate dans l’océan Pacifique Nord. Le départ était donné à Los Angeles et elle devait se terminer à Honolulu sur l’île d’Hawaï. C’est en voulant prendre un raccourci passant par le « le tourbillon du Pacifique Nord » (un vortex où l’océan circule lentement compte tenu du peu de vent et des très hautes pressions atmosphériques) que Charles MOORE découvre cette fameuse plaque de déchets gigantesque. Le capitaine navigue au final pendant une semaine entière dans cette soupe de plastique avant d’en sortir. Le capitaine était l’héritier d’une famille riche grâce à l’industrie du pétrole. Suite à sa découverte, MOORE revendit ses actions et devint un militant de la cause environnementale. Charles MOORE est le fondateur de la fondation ALGALITA, qui étudie spécialement ce phénomène.

Cette découverte invraisemblable fit l’objet d’une médiatisation de plus en plus importante. En effet, cette ile de déchets est de plus en plus médiatisée à travers des œuvres littéraires, de la musique, œuvre cinématographique et attractions.

Médiatisation

Judith Burns, une reporter pour BBC news, de la rubrique science et environnement publia, dans son article des informations transmises par des scientifiques partis en expédition sur la plaque de déchets. L’article du 27 aout 2009, elle montrait les effets sur la faune et la flore, mais aussi les raisons de l’étonnement de ces voyageurs. Judith Burns contribua ainsi à sensibiliser le monde car la BBC news est une chaîne mondiale.

Même des groupes de death metal s’y intéressent avec notamment le groupe francais Gojira fait référence à la plaque de déchets du Pacifique nord dans sa chanson Toxic Garbage Island issu de son album The Way of All Flesh sorti en 2008.

Par ailleurs, pour sensibiliser une grande partie de la population française le futuroscope de Poitiers a mis en place une attraction basée sur le Huitième Continent "8e Continent, le Jeu" inventée et installée par la société belge Alterface. Sous la forme d’un jeu vidéo grandeur nature, le Futuroscope sensibilise les jeunes visiteurs aux conséquences de la pollution marine et à la nécessité de préserver nos océans.

En effet, installés sur des scooters de mers et équipés de pistolets lasers appelés Trash Buster, les participants assistent deux scientifiques dans leur mission : changer les détritus en air pur. A chaque tir efficace, ils accumulent des points et peuvent ainsi comparer leurs scores aux autres joueurs en fin de partie.

Porte-parole de l'Unesco et du Réseau Océan Mondial pour les océans, Maud Fontenoy sera la marraine de l'attraction 8 ème continent. La Maud Fontenoy Fondation, créée par la navigatrice, met en place des programmes éducatifs pour sensibiliser les élèves de primaire et de collège, dans toute la France, à préserver ce patrimoine primordial que constituent les mers du globe.

De même, l’association surfrider foundation dont la mission est la protection et la mise en valeur des océans, des vagues et des plages à travers un réseau militant puissant touche un grand nombre de régions au niveau local pour préserver cette flore. De plus, surfrider foundation, en créant rise above plastics, concentrent leurs efforts pour lutter contre la transformation des océans en soupe plastique. Leur site montre ainsi les différentes manières où chaque citoyen peut contribuer à cette lutte : le recyclage et sensibiliser les personnes autour de soi. Fortement engagé dans la préservation de l’environnement, ils choisirent pour slogan : « ce qui va dans l’océan va en vous ».

Nous allons maintenant voir comment ont été traitées les différentes questions environnementales.

Prise de conscience


Du 3 au 14 juin 1992, Rio de Janeiro fut l'hôte de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement. Cette conférence portait sur l'état de l'environnement planétaire et sur les rapports entre l'économie, la science et l'environnement dans le contexte politique grâce auxquelles on obtient le développement durable.

Le Sommet a fait des océans la cible de la protection environnementale dans les années 90. L'Agenda 21 engage les pays à collaborer à la recherche à long terme en vue d'améliorer la qualité de l'information sur les océans et, donc, de rendre leur gestion plus efficace. En effet, L’Agenda 21 est un programme de mesures concrètes d’aménagement et de développement qui vise à appliquer les objectifs du développement durable définis lors de la conférence de Rio.

Chaque année, depuis 2005, a lieu une conférence mondiale sur les océans. En 2009, cette conférence avait lieu en Indonésie, plus précisément à Manado (sur les iles de Sulawesi). Tout au long de cette conférence, le mot d’ordre était « protection des océans ». En effet, le PNUE en a profité pour demander des investissements dans la réduction des rejets des déchets dans les océans. Selon cette organisation huit millions de détritus sont jetés chaque jour à la mer dans le monde, dont l’essentiel est constitué de matières plastiques. Le PNUE avait souligné juste avant la conférence de Manado, l’importance des équipements de pêche perdus par les navires, surtout des filets. Il en flotterait actuellement 640 000 tonnes, soit 10% de la masse de déchets mondiaux.

Malgré l’existence d’une grande plaque de déchets dans la Pacifique Nord, il existe également d’autres plaques, plus petites qui se développent dans les océans Atlantique, Indien. Par conséquent, plusieurs pays ; qu’ils soient industrialisés, nouvellement industrialisés ou en voie de développement, prennent conscience de ces phénomènes grandissants et se sentent enfin responsables. En effet, le problème des déchets marin doit être traité à la source : politique de réduction globale des océans, de la pollution marine, afin d’expliquer et de convaincre que la mer n’est pas une poubelle et d’aboutir à des changements de comportement.


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